Le 9 décembre dernier eu lieu la signature d’un protocole d’accord entre les autorités marocaines et l’entreprise chinoise BYD. Cet accord, résultant de la visite royale de mai 2016 en Chine et des négociations qui ont suivi, acte la construction de trois usines (voitures électriques, trains électriques et camions électriques) sur le site industriel de Tanger Tech. Cet accord est synonyme d’une expansion internationale et de perspectives commerciales d’envergures sur le continent africain. Mais qui est BYD ? Comment cette entreprise chinoise a réussi à s’imposer pour devenir l’un des leaders mondiaux de véhicules électriques ? Quels sont les enjeux d’un tel investissement pour le Maroc ?
BYD, une entreprise portée sur l’avenir
Créée en 1995 à Shenzhen, BYD s’est développée grâce à une stratégie induite par son dirigeant historique Wang Chanfu. Diplômé de chimie et de métallurgie en 1987, il flaire le potentiel proposé par le marché des batteries rechargeables et décide de fonder sa propre entreprise. Initialement, son domaine d’activité stratégique se résumait à la production de batterie lithium-ion et nickel pour téléphones portables et autres équipements électriques. Avec des clients comme Nokia, Motorola ou Samsung, elle est devenue en l’espace d’une dizaine d’année leader mondial. La stratégie mise en place par Wang Chanfu consiste à saisir toutes les opportunités permises par l’intégration verticale. Pour rappel, l’intégration verticale met en application la maitrise des divers stades de production et de distribution d’un produit. A titre d’illustration, on peut noter que BYD détient environ 20% de la plus grande mine de lithium de Chine, Zhabuye Lithium. Par cette stratégie, BYD bénéficie d’une réduction des coûts, des délais de traitement et d’une maitrise de la chaine de production allant de la collecte des matières premières à la distribution des produits finis. Cependant, le développement de la société chinoise ne s’arrête pas là. A partir de 2003, BYD décide de diversifier ses activités et procède au rachat d’une usine d’Etat en faillite, Tsinchuan Automobile Company. Ce rachat déterminant intervient comme un véritable tournant dans son développement, lui ouvrant les portes d’un marché plus que prometteur. Chariots élévateurs, camions électriques, bus électriques et voitures électriques, l’ensemble des nouvelles activités de BYD se construisent et évoluent autour du savoir-faire initial de l’entreprise. Les sphères d’activité de l’entreprise se divisent dès lors en trois grands pôles :
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- IT Business, regroupant le DAS* initial dont les activités pour mobiles, ordinateurs et microélectronique ;
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- Auto Business, concentrant l’ensemble des activités automobiles ;
- New Energy Business, centralisant les activités annexes aux véhicules électriques, énergie solaire, unités de stockage d’énergie.
Cinq ans plus tard, en 2008, BYD lance sa première voiture hybride. Cette stratégie va s’avérer payante, au point de propulser BYD, entre 2003 et 2014, parmi les quatre plus grands producteurs automobiles indépendants chinois et se concrétiser, en positionnant l’entreprise au deuxième rang mondial des constructeurs de véhicules électriques en 2016. Par ailleurs, le business plan mis en place par Wang Chanfu va séduire plus d’un investisseur au fil du temps. Warren Buffet a notamment été conquis par le potentiel de cette entreprise et a acquis dès 2008, 10% des parts via son fond d’investissement Mid American Energy, devenue en 2014 Bershire Hathaway Energy. Sa participation s’élève désormais à 24,6%.
Désormais, avec une stratégie offensive et la confiance d’investisseurs influents, cette dernière peut ambitionner une place de leader mondial d’ici 2025.
Politique économique et objectifs environnementaux, facteurs clés de croissance
« Our technology is mature enough but EV* market is not. We must explore BYD’s advantage by being first to start operating in the largest consumer markets. »
Comme l’indique cette intervention d’un directeur de BYD à Shenzhen, le développement à l’international de l’entreprise chinoise est poussé par la volonté de toujours vouloir être le premier. Aux vues des prises de consciences climatiques et des avancées effectuées, le marché africain peut s’avérer être un réel levier pour BYD.
D’un point de vue étatique, ce partenariat démontre la stratégie commune que le Royaume peut avoir avec une puissance économique comme la Chine. Les deux Etats se sont trouvés de nombreux intérêts communs. En effet, ils se retrouvent dans une volonté de réduire leur dépendance aux énergies fossiles en développant des alternatives en faveur des énergies propres. Le succès économique chinois des dernières décennies a notamment eu des conséquences négatives sur l’environnement et a ravivé les inquiétudes des autorités. Cette prise de conscience du gouvernement chinois va l’amener à mettre en place différentes mesures pour favoriser le secteur de l’automobile hybride et électrique. Main dans la main, gouvernement et entreprises vont mettre en place différents partenariats pour développer le secteur des véhicules électriques. Cette politique va s’avérer bénéfique pour BYD et explique son ascension fulgurante. En 2009, le gouvernement va stimuler et renforcer le secteur via 15 milliards de dollars de subventions, mettre en place des règlementations encadrant le secteur et publier une feuille de route relative au développement de l’industrie des batteries rechargeables, la « Access Regulation for the New Energy Vehicule Manufacturers and Products ». L’objectif premier était de relancer la faible production enrayée par la difficulté des producteurs à réduire leurs coûts. Les politiques gouvernementales et des crédits d’impôts mis en place par la suite pour stimuler le marché des véhicules électriques, a su profiter à BYD. Cette dernière a pu développer un savoir-faire et entamer une expansion à l’international, résultat d’une politique gouvernementale favorisant les entreprises ou les secteurs considérés comme stratégiques. A l’heure actuelle, BYD dispose de 27 filiales sur les 5 continents et de 33 sites de productions situés en Chine, en Californie, en France, en Hongrie et au Brésil.
Dès lors, le choix du constructeur de se porter sur le Maroc pour l’implantation de ses usines n’est pas anodin. Le Royaume est un partenaire de qualité. Par son savoir-faire en matière d’énergies renouvelables, sa politique de modernisation et de développement durable, son rôle d’organisateur de la COP 22, son implication politique et économique pour favoriser l’essor de ses partenaires africains sont autant de facteurs déterminants dans la stratégie de BYD. D’autre part, le Maroc a également su soigner sa diplomatie économique afin de mettre en avant l’ensemble de ses avantages compétitifs. L’attrait des investisseurs chinois n’est que l’aboutissement d’une stratégie composé de visites officielles, de rencontres avec les ambassadeurs locaux et de signatures de partenariats entre les deux pays. A titre d’exemples, ont récemment eu lieu la conférence des experts sur la coopération Sino-Africaine en présence de l’ambassadeur chinois au Maroc ainsi qu’un certain nombre de rencontres entre ce dernier et les tutelles universitaires et politiques marocaines.
Partie intégrante de la politique d’expansion de l’entreprise chinoise, l’implantation de ces trois usines revêt un caractère d’autant plus stratégique pour le Maroc. Depuis quelques années, le Royaume relance son industrie automobile, notamment avec l’implantation des usines Renault et Peugeot. Il avait notamment été annoncé que pour 2017, les investissements dans ce secteur allaient dépasser le milliard d’euros. De fait, l’implantation d’usines du constructeur chinois permettra au Royaume Chérifien d’atteindre ses objectifs de redynamisation et de montée en gamme du secteur automobile tout en renforçant son statut d’acteur incontestable des énergies renouvelables.
Les trois usines seront donc implantées sur le site de Tanger Tech, une nouvelle ville industrielle située au nord du Maroc. L’investissement de BYD est une partie intégrante des 10 milliards de dollars d’investissements industriels prévus. La particularité de ce projet, hormis la création d’emploi, est de transformer Tanger en un carrefour d’échanges entre l’Afrique, la Chine et l’Europe. En effet, par sa position géographique au croisement de la méditerranée et de l’Atlantique ainsi que de l’Europe et de l’Afrique, Tanger va apparaitre comme un véritable point d’acheminement pour la distribution de produits sur l’ensemble de l’Afrique.
Karim BOUNOI