Quel rôle pour l’Afrique dans la route de la soie ?

Depuis les expéditions de Ibn Batouta au moyen âge, la Chine et l’Afrique ont tissé des liens qui n’ont fait qu’évoluer à travers les siècles grâce au commerce d’épices, pierres précieuses et étoffes transportées par des caravanes de commerçants. Aujourd’hui, les biens chinois se transportent en conteneurs par milliers et ne se limitent plus aux épices et pierres précieuses. Afin d’augmenter et faciliter le transport de ses marchandises, Pékin décide d’améliorer les infrastructures des pays par lesquels ses exportations passent.

C’est dans cet esprit et avec cette logique qu’est né le projet « The Belt and Road Initiative », annoncé par le président de la République populaire de Chine, Xi Jinping, en 2013 dans son discours à l’université du Kazakhstan.

Traduite en français comme Route de la Soie, cette initiative prend une place primordiale dans la diplomatie chinoise. De nos jours, toutes les rencontres étatiques avec la Chine gardent une place à propos de la Route de la Soie dans leurs agendas. L’objectif est d’unir à travers des voies ferroviaires (« Belt ») et maritimes (« Road ») la Chine avec le continent Européen, tout en passant par l’Eurasie.

« Les autorités chinoises envisageaient, au départ, une soixantaine de pays concernés, mais l’an dernier (2017), au forum de Davos, Xi Jinping a évoqué une centaine d’États et d’organisations internationales, incluant l’Asie, l’Europe mais aussi l’Afrique, l’Amérique latine et l’Arctique. En fait, pour Pékin, tous les pays sont potentiellement concernés. »

Au niveau des routes maritimes, l’Afrique devient un acteur majeur pour la réussite du projet, étant donné qu’elle suppose l’entrée maritime de toutes les marchandises chinoises en Europe à travers la mer rouge et le canal de Suez.

Investir en Afrique pour rentabiliser la Route de la soie

Vu l’importance de l’Afrique dans la réalisation de la Route de la soie, Pékin, à travers la Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures (BAII ou AIIB), s’est engagé dans une série de projets de développement et de construction d’infrastructures au sein du continent.
En septembre 2018, Xi Jinping avait annoncé que 60 milliards de dollars seraient destinés au financement de plusieurs projets au sein du continent ainsi que son intention de construire 30.000 kms de routes pour répondre au besoin de circulation africain, ainsi qu’une augmentation très importante de sa capacité portuaire, atout fondamental étant donné l’importance des routes maritimes pour la Chine et l’Afrique.

La Banque mondiale estime que le manque de ces infrastructures réduit de 40% la productivité des entreprises africaines. Le Route de la soie représente donc une opportunité majeure pour l’Afrique pour améliorer ses réseaux de transports et réduire ses coûts qui restent encore parmi les plus élevés au monde. La Chine finance plus de 3000 projets d’infrastructures en Afrique, un programme qui garde une vision à long terme pour pouvoir bénéficier des avantages qui seront apportés à la Route de la soie.

L’Afrique serait victime de l’impérialisme chinois ?

Depuis l’annonce du projet en 2013, la communauté internationale a eu des avis différents sur l’objectif des investissements géants que la Chine octroie à l’Afrique. Là où certains voient des opportunités de développement de grande ampleur pour l’Afrique, d’autres voient des opportunités d’exploitation pour la Chine.

La connotation négative de la Route de la Soie a pris encore plus de force lorsque la Chine a installé une base militaire avec un effectif de 10.000 soldats à Djibouti (c’est la première fois que la Chine instaure une base militaire à l’étranger) sous prétexte d’assurer le passage des navires à travers la corne de l’Afrique. A cette mesure militaire s’ajoute l’endettement envers les banques chinoises dans lequel les pays africains sont en train de tomber dans certains cas, ce que certains qualifient comme « le piège de la dette », vu que face à l’incapacité de remboursement, les Etats devront céder à la Chine ce qu’elle demandera.

Mais la Route de la soie n’est pas que des critiques négatives. La signature de partenariats basés sur des relations gagnant-gagnant entre les pays africains et la Chine, la création d’emplois et l’amélioration des infrastructures africaines en échange de matières premières (notamment les hydrocarbures et les minéraux) restent pour plusieurs une opportunité unique et à ne pas rater pour pousser l’Afrique vers l’avant.

Alaa-eddine Khaldi