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Antifragilité : le Maroc face à son destin

Dans son livre « Antifragile : les bienfaits du désordre », Nassim Nicholas Taleb définit l’antifragile comme étant un système, individu, idée ou structure capable de se renforcer durablement face à un choc ou une crise. L’antifragilité est plus qu’un simple antonyme de « fragilité » ; l’antifragile résiste certes à un choc mais devient meilleur et plus fort. En ce sens, dans un monde de complexité et d’incertitude grandissantes, il ne s’agit plus de s’arrêter à la résilience et de rester impassible mais de trouver des opportunités pour se nourrir et croître dans le désordre.

Lors de cette crise du Covid-19, le Maroc a démontré sa capacité de résilience face à une crise dont l’ADN est empreint d’incertitude, tant au niveau sanitaire qu’au niveau économique et sécuritaire. À cet effet, plusieurs mesures ont été prises pour endiguer la pandémie, à savoir la mise en place d’un « Fonds spécial pour la gestion de la pandémie du Coronavirus », la production de plus de 7 millions de masques par jour, l’application d’un confinement strict et l’élargissement des tests de dépistage. Mieux encore, le royaume a transformé, en moins d’un mois, son tissu économique en véritable économie de guerre nationale. Autrement dit, le Maroc a su tirer profit de la crise sanitaire en réorientant son tissu industriel vers la production du matériel médical d’urgence (notamment les masques de protection et les respirateurs artificiels), ce, afin de répondre aux besoins dictés par la conjoncture actuelle.

Toutefois, la question qui persiste est de savoir comment le Maroc peut-il se construire dans cette période de volatilité extrême, devenant par là antifragile ? En effet, le royaume devrait être conscient du fait que nous ne pouvons échapper à l’incertitude, qu’il faut l’affronter avec lucidité et déployer des efforts continus en vue de se développer et s’améliorer, particulièrement en étant placé dans des environnements instables et imprévisibles. La crise est aussi le moment de remettre en cause nos priorités et d’apprendre de nos erreurs. Le Maroc gagnerait également à réduire au maximum tout élément susceptible de le fragiliser en limitant notamment les dépendances qui pourraient l’affaiblir.

Finalement, ayant lancé une large consultation pour déterminer son modèle de développement à travers la Commission spéciale sur le modèle de développement (CSMD), le Maroc devrait capitaliser sur ses forces mises en lumière lors de cette crise sanitaire, à savoir la digitalisation intelligente, la souveraineté économique, la coopération civilo-militaire, la place des TPME, la valeur du tissu industriel, etc. La mobilisation de l’économie de guerre pour les masques devrait contribuer à ouvrir des perspectives quant au développement d’une industrie stratégique liée au secteur de la santé.

Ali Moutaïb

Initialement publié dans la lettre HA, édition de mai 2020.