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Drones militaires : “Game Changers” de la guerre moderne

Lors des dernières décennies, les différents théâtres de conflits mondiaux ont connu l’utilisation accrue d’une nouvelle arme pouvant changer l’équilibre des forces. En effet, les drones militaires ont été utilisés lors de différents conflits et ont pu accorder des avantages stratégiques à l’un ou l’autre des belligérants. Ces aéronefs armés et téléguidés à distance sont difficilement détectables par les radars aériens classiques qui ne sont pas calibrés pour de tels engins : de petite taille, capable de voler à basse altitude et pouvant réaliser des vols stationnaires. Ainsi, les drones sont qualifiés de nouveaux « Game Changer » militaires de ce début du siècle.

L’une des utilisations les plus spectaculaires des drones a été l’attaque (attribuée au rebelles Houthis) ayant eu lieu le 14 septembre 2019 ; Celle-ci  a visé la plus grande usine de raffinement de pétrole au monde située à Abqaiq en Arabie saoudite. Cette agression a causé la flambée des cours mondiaux de pétrole alarmés par la mise en arrêt de 50% de la production saoudienne, soit 5% de la production mondiale. Si cette attaque a été attribuée à un groupe rebelle dans le cadre d’une guerre asymétrique, d’autres guerres ont connu l’utilisation de drones par des armées conventionnelles à l’image de l’utilisation de drones par la Turquie en Syrie dans le cadre de son opération « source de paix ». Au pays du levant, les drones turcs (Bayraktar et Anka) ont servi non seulement contre des combattants kurdes mais aussi à éliminer des véhicules blindés syriens ainsi qu’à marquer des cibles qui ont été par la suite détruites par l’artillerie turque, permettant par ce fait de contourner l’espace aérien syrien en menant des opérations sans risquer la vie de pilotes turcs[1]. Ses avantages stratégiques dont jouit actuellement la Turquie ont été rendus possibles par des années d’investissements dans une industrie nationale de drones turcs. En effet, afin de répondre à la volonté de s’affranchir de sa dépendance dans ce domaine aux États-Unis, (pourtant son allié au sein de l’Otan), la Turquie a lancé depuis plusieurs années la production de ses propres drones. Le pays d’Erdogan compte actuellement plus d’une centaine de drones produits localement. D’autres pays ont quant à eux raté le virage des drones à l’image des pays de l’Union européenne qui peinent à développer un drone militaire pouvant concurrencer ses pairs turcs, américains ou israéliens.

Le rôle décisif des drones turcs en Libye

La Libye est un autre théâtre de conflit qui a vu l’intervention décisive de drones armés. En effet, le pays est marqué par de vastes étendues désertiques, le terrain est donc souvent à découvert. Par conséquent cela rend les mouvements de troupes très visibles, d’où la nécessité ultime de recourir à une couverture aérienne sans failles. Le 20 mai dernier, un porte-parole du gouvernement d’union nationale a annoncé que les forces du GNA avaient détruit sept systèmes antiaériens russes Pantsir S-1 localisés dans la base aérienne d’Al-Wattia. Cette péripétie – rendue possible par l’utilisation de drones turcs – a donné un coup de frein à l’offensive du Maréchal Haftar lancée en avril 2019 en vue de contrôler la totalité du territoire libyen. Le GNA a par conséquent repris le contrôle de la base aérienne stratégique d’Al-Wattia qui représente la plus grande base militaire de l’ouest libyen. Celle-ci était contrôlée depuis 6 ans par le maréchal Haftar.

Le président Erdogan avait au préalable annoncé sa disposition totale à intervenir militairement en Libye. Cette intervention s’est matérialisée par l’envoie d’équipements militaires et d’officiers formateurs turcs mais surtout par le recours aux drones turcs ayant par le passé prouvé leur efficacité contre les combattants kurdes ainsi que contre les troupes syriennes à Idlib. Les aéronefs armés turcs pourraient continuer à aider les forces du GNA dans leur poussée vers l’est du pays ; développement qui pourrait aboutir à la résolution du conflit en privilégiant la piste des négociations.

Ce récent changement de l’équilibre des forces en Libye pourrait aussi donner un deuxième souffle à l’accord de Skhirat, négocié sous l’égide de l’ONU au Maroc. D’un autre côté, la Turquie pourrait accroitre son influence en Méditerranée orientale. Il est à noter qu’avant d’intervenir en Libye, la Turquie avait signée un accord d’exploration offshore d’hydrocarbures avec le GNA.


Selon un récent rapport des nations unies, le drone turc utilisé par le GNA est le Bayraktar TB2 « signifiant : porte-drapeau ». Ce dernier est un drone moyen altitude de longue portée (MALE). Ce drone turc est produit par la société Baykar dirigée par le Selcuk Bayraktar (gendre du président Erdogan) ainsi que par Turkish Aerospace Industries.

Ci-dessous un comparatif de la portée des deux principaux drones de combat utilisés en Libye : Bayraktar TB2 par le GNA et le drone chinois Wing Loong II fourni par les Émirats arabes unis et utilisé par les forces du maréchal Haftar. Ces deux drones se disputent la maitrise de l’espace aérien libyen et tentent de détruire les stations de contrôle de leurs adversaires.

En somme, les exploits réalisés par les drones turcs sur différents terrains devraient permettre à la Turquie de vendre plus de matériel de guerre et d’atteindre ainsi son objectif de se dresser parmi les dix premiers exportateurs d’armes à l’horizon 2023 (100ème anniversaire de la république). Dans cette même logique, la Turquie a déjà exporté ses drones au Qatar et en Ukraine et ambitionne d’accompagner l’Indonésie ou le Pakistan dans la production locale de drones. D’autres drones sont actuellement en développement par la société Baykar tels que le drone de combat Bayraktar Akinci, dont la date de mise en service est prévue en 2021. Turkish Aerospace Industries (TAI)[2], l’autre acteur principal de l’industrie turque de drones compte pour sa part lancer la production de son premier drone supersonique nommé Goksungur (faucon pèlerin) qui représente une amélioration de l’actuel drone Aksungur.  

 

[1] Les drones turcs ont aussi été déployés en Chypre du nord.
[2] TAI dispose aussi du drone (MALE) Anka: prévu pour des missions de reconnaissance, ce drone dispose d’un radar à deux dimensions, d’armes de précision et de communication satellite.

Mohammed Amine DIOURI